Nouvelle publication : 10 Downing Street: who’s next? Seemingly unrelated regressions to forecast UK election results

Le dernier article de Philippe Mongrain, "10 Downing Street: who's next?", est désormais disponible sur le site web de la revue Journal of Elections, Public Opinion and Parties. Voici un résumé de l'article. 

 

Au cours des dernières années, les firmes de sondage au Royaume-Uni ont fait fausse route à plusieurs occasions. Les sondages pour le référendum sur l’indépendance de l’Écosse en 2014 et ceux pour l’élection générale britannique de 2015 indiquaient des courses nettement plus serrées que celles-ci ne l’ont été au final. De plus, la majorité des sondages au sujet du Brexit ont incorrectement prédit qu’une majorité de Britanniques choisiraient de rester à l’intérieur de l’Union européenne. Bien sûr, cela ne veut pas dire que l’industrie du sondage court à sa perte, mais de telles erreurs devraient nous pousser à réfléchir sur des manières alternatives de prédire les résultats de consultations populaires.

 

Une telle alternative, qui a surtout été appliquée aux élections américaines, françaises, britanniques et allemandes, est le développement de modèles structurels basés sur un nombre limité de variables politiques et économiques. Ma note de recherche dans le Journal of Elections, Public Opinion and Parties propose une nouvelle équation structurelle afin d'estimer la part des voix obtenues par le parti sortant au Royaume-Uni. Cette équation repose sur des données qui remontent à l’élection générale de 1959. S’inspirant entre autres des travaux de Lebo et Norpoth (2011, 2013) ainsi que de Lewis-Beck, Nadeau et Bélanger (2004; voir aussi Bélanger, Lewis-Beck et Nadeau 2005), le modèle proposé inclut quatre variables, à savoir (1) le pourcentage des voix reçues par le parti sortant lors de l’élection précédente; (2) le taux d’approbation/de satisfaction du premier ministre lors du troisième mois précédant le mois de l’élection; (3) le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) lors du second trimestre précédant le trimestre de l’élection; et (4) le nombre de mois passés au pouvoir par le parti sortant.

 

Plusieurs prévisionnistes se concentrent exclusivement sur la performance des sortants. Cela n’est pas surprenant dans la mesure où la plupart des modèles structurels sont basés sur la théorie du vote rétrospectif. Toutefois, estimer le score du parti sortant dans un système multipartite comme le Royaume-Uni ne fournit qu’une information limitée quant à l’issue globale d’une élection. Bien que certains modèles permettent de prédire les résultats de plusieurs partis (par exemple Prosser 2016; Stegmaier et Williams 2016), aucun modèle n’offre une prédiction pour différentes formations politiques en s’appuyant à la fois sur des facteurs politiques et économiques et sur des données couvrant une période de plusieurs décennies. En insérant mon équation structurelle pour le parti sortant dans un ensemble de régressions apparemment indépendantes, j’ai pu estimer la part des voix revenant à l’Opposition officielle, aux Libéraux-démocrates de même qu’à l’ensemble des partis restants.

 

Ce modèle de régressions apparemment indépendantes produit des estimations légèrement plus précises que des projections réalisées à partir de sondages d’intention de vote en termes de prédictions « hors-échantillon » (qu’on obtient en retirant des équations les données associées à l’élection dont on souhaite estimer le résultat). En termes de prévisions « avant-coup » (qu’on obtient en utilisant seulement les données disponibles avant l’élection), la supériorité du modèle proposé n’est pas aussi claire. Malgré tout, avec trois mois d’avance, le modèle se révèle pratiquement aussi précis que les données issues des sondages d’intention de vote. De plus, nonobstant laquelle des approches se révèle la plus performante, il me semble important de proposer de nouveaux outils et de nouvelles méthodes pour identifier les facteurs qui influencent les résultats d’élections (et d’autres types de consultations populaires). En ce sens, l’existence d’un grand nombre de modèles devrait être valorisée en elle-même. D'un point de vue épistémologique, il est également important de montrer que la science politique n’est pas limitée aux explications ex post facto. Les chercheurs en sciences sociales ne devraient pas hésiter à tenter de prédire le comportement humain et les décisions collectives.

Ce contenu a été mis à jour le 6 décembre 2021 à 9 h 29 min.