LE CANADA ELECTION NOWCASTER
PRÉVISION FINALE POUR : OCTOBRE 2019 (41,23%)
Mise à jour post-électorale : De toute évidence, l'élection de 2019 n'a pas donné raison au modèle. Celle-ci a produit la seconde plus importante erreur de prédiction pour le modèle sur la période 1953-2019. Bien que je compte réfléchir plus profondément aux raisons qui pourraient expliquer cette performance décevante du modèle, il me semble que le scandale de SNC-Lavalin et la forte performance du chef bloquiste (Yves-François Blanchet) lors de la campagne expliquent en bonne partie le recul du vote libéral. En somme, le modèle nous montre ce qui aurait pu arriver en présence de conditions plus favorables pour le Parti libéral. Bien qu'une erreur de prédiction élevée ne soit jamais très agréable pour un prévisionniste, cela permet néanmoins de souligner un certain nombre de facteurs pouvant expliquer l'écart important entre le résultat prédit et le véritable résultat.
On compte actuellement un grand nombre de modèles politico-économiques ayant pour objectif de prédire l’issue des élections au Congrès américain ou le sort des candidats à la présidence des États-Unis. Bien qu’un certain nombre de modèles aient vu le jour pour la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni au cours des dernières années, le Canada, à l’instar de la majorité des démocraties, n’a reçu jusqu’à maintenant que bien peu d’attention. Par conséquent, nous avons développé un modèle ancré dans une théorie du vote capable de prédire suffisamment à l’avance (plus précisément, dès le troisième mois précédant le mois de l'élection) la part des voix récoltées par le parti sortant lors des scrutins fédéraux canadiens. Le modèle est composée de cinq variables indépendantes, soit (1) la différence entre les taux de chômage canadien et américain lors du troisième mois précédant le mois de l’élection; (2) le logarithme du nombre de mois passés au pouvoir par le parti sortant; (3) un indicateur dichotomique concernant la substitution du premier ministre à proximité d’une élection; (4) le nombre d’années d’expérience politique du premier ministre par rapport à son (sa) principal(e) adversaire; et (5) un facteur relatif à l’origine provinciale des leaders. L'équation du modèle est la suivante:
V = 59,83 + (–3,52 × C) + (–4,28 × M) + (6,44 × L) + (12,81 × Q) + (0,32 × E) + ε
R2 = 0,89; R2-ajusté = 0,86; SEE = 3,00;
DW = 2,72; N = 21 (1953−2015)
où
V = | le pourcentage des votes obtenus par le parti sortant; |
C = | la différence entre le taux de chômage canadien et le taux de chômage américain trois mois avant l’élection (benchmark); |
M = | le logarithme naturel du nombre de mois passés au pouvoir par le parti sortant; |
L = | une variable dichotomique codée 1 lorsque le chef du gouvernement cède ses fonctions à un nouveau leader à proximité d’une course électorale et 0 autrement; |
Q = | l’origine provinciale du premier ministre sortant par rapport aux autres chefs de partis codée -1, -0.5, 0, +0.5 ou +1 dépendamment de la situation; |
E = | la différence entre le nombre d’années passées en politique provinciale et fédérale en tant qu’élu ou haut fonctionnaire par le premier ministre sortant et le nombre d’années cumulées dans la même sphère par son concurrent libéral ou conservateur dépendamment de l’affiliation partisane du premier ministre; et |
ε = | un terme d’erreur. |
Ce billet de blogue présente une série de « nowcasts » estimés à partir de notre modèle pour la période allant de juin 2017 (le premier mois suivant l’élection d’Andrew Scheer à la tête du Parti conservateur du Canada) jusqu’à la prochaine élection qui devrait normalement avoir lieu en octobre 2019. Le « nowcasting », qu’on pourrait traduire par « prévision immédiate », consiste tout simplement à mettre à jour ses prédictions sur une base trimestrielle, mensuelle ou même quotidienne en estimant la part des voix du parti sortant au moyen des valeurs les plus récentes pour chaque variable indépendante. Nos prévisions sont en outre comparées à la moyenne des sondages d’intention de vote.
Si l'on suppose que Justin Trudeau et Andrew Scheer s'affronteront lors de la prochaine élection fédérale, alors les valeurs finales de nos cinq variables indépendantes sont connues et ne devraient pas changer avant le jour de l'élection. En octobre 2019, le Parti libéral du Canada aura passé 48 mois au pouvoir, ce qui veut dire que la valeur de la variable de temps sera égale à 3,87 [ln(48)]. Comme nous réalisions des nowcasts, la valeur de la variable de temps variera évident d'un mois à l'autre (par exemple, en juin 2017, la valeur de la variable de temps était égale à 3,00 puisque le Parti libéral n'avait alors passé que 20 mois au pouvoir). À moins que Justin Trudeau ne quitte ses fonctions avant l'élection, l'indicateur dichotomique concernant la substitution du premier ministre prendra une valeur de 0. En ce qui concerne la variable d'expérience politique, Justin Trudeau a 4,30 ans d'expérience en moins que son principal adversaire. Finalement, parce que le premier ministre est originaire du Québec, qu'aucun chef de parti majeur n'est originaire de cette province et que deux chefs de partis mineurs sont Québécois (le chef du Bloc Québécois et le chef du Parti populaire du Canada), la variable d'origine provinciale prend une valeur de 0.50 (pour plus de détails sur la manière dont cette variable a été codée, voir Mongrain 2019). La valeur finale est notre indicateur économique (c'est-à-dire, la différence entre les taux de chômage canadien et américain) en juillet (soit le troisième mois précédant le mois de l'élection) est égale à deux points de pourcentage (5,7% - 3,7%). La valeur de cette variable a été mise à jour à chaque mois selon les taux de chômage publiés par Statistique Canada et le U.S. Bureau of Labor Statistics. Les prévisions du modèle et les intentions de vote recueillies par les firmes de sondage ont également été employées pour estimer le pourcentage des sièges du parti sortant au moyen d’un ratio de conversion (swing ratio). On obtient un ratio de conversion en régressant le pourcentage des sièges obtenus par un parti sur son pourcentage du vote populaire.
Pourcentage des voix du Parti libéral | Pourcentage des sièges du Parti libéral | ||||
Mois, Année | Sondages | Modèle | Sondages | Modèle | |
Juin 2017 | 38,31 | 44,63 | 44,84 | 57,49 | |
Juillet 2017 | 39,47 | 44,77 | 47,16 | 57,78 | |
Août 2017 | 40,27 | 43,87 | 48,76 | 55,97 | |
Septembre 2017 | 39,97 | 43,68 | 48,16 | 55,59 | |
Octobre 2017 | 36,85 | 44,20 | 41,91 | 56,63 | |
Novembre 2017 | 38,38 | 44,73 | 44,97 | 57,70 | |
Décembre 2017 | 40,50 | 43,86 | 49,23 | 55,95 | |
Janvier 2018 | 39,11 | 43,34 | 46,45 | 54,92 | |
Février 2018 | 37,90 | 44,24 | 44,02 | 56,72 | |
Mars 2018 | 35,22 | 44,45 | 38,65 | 57,13 | |
Avril 2018 | 37,59 | 43,95 | 43,39 | 56,13 | |
Mai 2018 | 34,69 | 44,16 | 37,59 | 56,56 | |
Juin 2018 | 34,94 | 44,03 | 38,10 | 56,29 | |
Juillet 2018 | 36,74 | 43,19 | 41,69 | 54,61 | |
Août 2018 | 37,05 | 42,71 | 42,32 | 53,65 | |
Septembre 2018 | 38,67 | 42,59 | 45,55 | 53,40 | |
Octobre 2018 | 37,04 | 42,82 | 42,30 | 53,87 | |
Novembre 2018 | 38,58 | 42,00 | 45,38 | 52,22 | |
Décembre 2018 | 35,44 | 41,53 | 39,09 | 51,29 | |
Janvier 2019 | 37,76 | 41,77 | 43,74 | 51,77 | |
Février 2019 | 34,31 | 42,37 | 36,83 | 52,96 | |
Mars 2019 | 32,14 | 42,97 | 32,48 | 54,16 | |
Avril 2019 | 31,16 | 42,51 | 30,52 | 53,25 | |
Mai 2019 | 30,69 | 41,70 | 29,58 | 51,64 | |
Juin 2019 | 30,85 | 41,61 | 29,90 | 51,44 | |
Juillet 2019 | 32,91 | 41,16 | 34,02 | 50,54 | |
Août 2019 | – | 42,12 | – | 52,47 | |
Septembre 2019 | – | 42,03 | – | 52,29 | |
OCTOBRE 2019 | – | 41,23 | – | 50,70 |
Sources : Mongrain 2019 (pour les données du modèle); Wikipédia 2019 (pour les intentions de votes).
Figure 1. Pourcentage des voix du Parti libéral
Figure 2. Pourcentage des sièges du Parti libéral
Ce contenu a été mis à jour le 20 décembre 2021 à 16 h 16 min.